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Articles mercredi 14 septembre 2022

Personnes victimes d’agression sexuelle et de violences conjugales

Guide des meilleures pratiques en matière d’interrogatoires et de contre-interrogatoires

Par Marie-Hélène Paradis

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La récente libération de la parole des victimes et le mouvement #MeToo ou #MoiAussi ont provoqué une prise de conscience de l’ampleur, de la nature et du nombre des violences dont les femmes et les enfants sont les principales victimes. Ce constat a mené, entre autres, à la publication par le Barreau du Québec d’un guide des meilleures pratiques en matière d’interrogatoires et de contre-interrogatoires s’appliquant aux victimes de violences sexuelle et conjugale.

La démarche

Le Barreau du Québec s’intéresse depuis longtemps au traitement des personnes victimes d’agression sexuelle ou conjugale. Dès 2018, il a fait plusieurs recommandations pour améliorer les mesures d’accompagnement des victimes, et parmi celles-ci figurait le développement d’une formation sur les meilleures pratiques de contre-interrogatoire des personnes vulnérables.

De nombreuses critiques ont été entendues sur le traitement des personnes victimes de violences sexuelles et conjugales au sein du système judiciaire, critiques qui ont fait surgir des réserves quant à la confiance envers le système de justice. Ce phénomène a favorisé l’émergence d’une volonté politique et sociétale de changements et c’est ainsi qu’on a vu naître plusieurs mesures concrètes. Dans la foulée, le Comité d’experts sur l’accompagnement des personnes victimes d’agressions sexuelles et de violences conjugales a vu le jour. Celui-ci a livré le rapport Rebâtir la confiance, en décembre 2021, qui a mis en évidence les lacunes et les enjeux liés au traitement judiciaire des victimes d’agression sexuelle ou conjugale. L’un de ces enjeux, c’est le contre-interrogatoire des victimes dans le cadre du procès.

Afin de répondre aux critiques et toujours à l’affût de nouveaux moyens pour améliorer l’administration de la justice et respecter sa mission de protection du public, le Barreau a mis sur pied un groupe de travail multisectoriel dont le mandat était de rédiger un guide des meilleures pratiques. Me Nicolas Le Grand Alary, l’un des responsables de la publication du guide, indique que celui-ci est le résultat d’une vaste réflexion menée par le groupe de travail. « Il était essentiel d’avoir une approche collaborative et concertée pour obtenir une adhésion de toutes les parties prenantes », explique Me Le Grand Alary.

Les objectifs

Les objectifs principaux de cette action du Barreau sont de renforcer la confiance du public envers le système de justice et ses intervenants, de rectifier les idées préconçues et les fausses croyances et de diminuer l’impact du traumatisme. « Pour ce faire, il faut être en mesure d’amener les avocats à adopter une pratique qui va au-delà du simple respect des règles déontologiques pour que les interrogatoires et les contre-interrogatoires ne soient pas vexatoires ou abusifs et dans le but d’encourager les victimes à témoigner », poursuit Me Le Grand Alary.

Le guide vise à bonifier et améliorer la pratique des membres du Barreau, mais aussi à faciliter la tâche des juges, des corps policiers, des intervenants sociaux et des autres acteurs judiciaires.

« Le guide va aussi tout à fait dans la lignée du tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale établi par le biais de différents projets pilotes mis sur pied par le ministère de la Justice. Il sera un des outils distribués au sein du tribunal spécialisé »ajoute Me Le Grand Alary.

Le contenu

Le guide contient un bref historique sur les définitions de violence sexuelle et de violence conjugale, ainsi que sur les réformes du système judiciaire. Il présente les stéréotypes souvent associés aux victimes et confirme l’apport de la jurisprudence. Le Barreau s’est adjoint l’aide de chercheuses spécialistes pour avoir accès aux dernières recherches et être en mesure d’aller dans un niveau approfondi de détails pour définir les différents concepts et les limites. « C’est un document simple à lire pour les praticiens, qui fait état des meilleures pratiques et qui leur donne des outils pour mener des interrogatoires et des contre-interrogatoires dans les meilleures conditions possibles et pour assurer un processus équitable aux victimes. »

Le contre-interrogatoire demeure un exercice obligatoire, mais il est souvent une épreuve difficile pour la personne victime. Ce guide vise à recenser les meilleures pratiques afin que l’exercice soit fait dans le respect des droits des personnes victimes et pour contribuer à rebâtir la confiance du public dans le système de justice. Me Le Grand Alary souligne en terminant qu’une formation est présentement en développement et sera offerte sous peu aux membres de l’Ordre.

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