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Articles lundi 20 février 2023

La Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec

Projet de loi 8

Par Johanne Landry

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Déposé par le ministre Simon Jolin-Barette le 1er février 2023, il est prévu que le projet de loi 8, la Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec entre en vigueur à la fin du mois de juin. Médiateur commercial depuis plus de 40 ans, Me Jean H. Gagnon, Ad. E., explique les principaux changements que cette loi apportera en ce qui a trait à la médiation ainsi qu’aux petites créances.

L’article 1 du Code de procédure civile prévoit une obligation de principe à recourir aux modes privés de prévention et de règlement des différends avant de s’adresser aux tribunaux, mais il n’y a, à ce jour, aucune conséquence à ne pas le faire. « Le projet de loi 8 vient ajouter un avantage à y recourir », explique Me Gagnon. « S’il y a un recours judiciaire parce que la médiation n’a pas mené à une entente et que les parties déposent l’attestation d’un médiateur accrédité indiquant qu’ils ont eu recours à un mode privé de règlement, la cause sera instruite en priorité. Ce nouvel article viendra amenuiser un obstacle au recours à la médiation, car actuellement, la démarche demande un certain délai (souvent de l’ordre d’un à trois mois), que certains avocats et leurs clients considèrent comme un allongement de la procédure. Dorénavant, ce sera l’inverse : le recours à la médiation viendra accélérer la procédure devant la Cour si elle demeure nécessaire. »

Autre changement d’importance : l’ajout au Code de procédure civile d’un nouvel article 607.1 à l’effet que, lorsqu’un contrat prévoit une clause de médiation en cas de désaccord, si les parties passent outre à cette clause, le tribunal pourra, à la demande de l’une des parties, les renvoyer à la médiation. « Il faut dire qu’il y a toutefois peu de clauses de médiation dans les contrats et qu’en raison de ce nouvel article, il se peut qu’il y en ait dorénavant encore moins, explique Me Gagnon. Cet article qui aura maintenant des dents, ce qui n’est pas le cas actuellement, pourrait en effet rendre les rédacteurs de contrats craintifs devant ce qui deviendrait une obligation. »

Changements à la Division des petites créances

Actuellement, le citoyen qui s’adresse à la Division des petites créances de la Cour du Québec ou celui qui est poursuivi aux petites créances se voit offrir un service de médiation optionnel. « Ce que le projet de loi 8 vient modifier, précise Me Gagnon, c’est l’ajout d’une obligation faite aux parties de privilégier la médiation ou l’arbitrage pour régler leur litige. Une pression supplémentaire s’ajoute puisqu’à la première occasion à la suite du dépôt d’un dossier, le greffier devra informer les parties qu’elles peuvent, sans frais additionnels, soumettre leur litige à un médiateur accrédité. Le changement le plus important est toutefois l’ajout, à l’article 570 du Code de procédure civile, d’un nouveau paragraphe 1.1 qui, pour certaines matières et dans certains districts, permettra au gouvernement, par voie de règlement, de rendre la médiation obligatoire. Un règlement viendra ultérieurement préciser les modalités et, aussi, introduire l’arbitrage qui n’existe pas en ce moment pour les petites créances. » Il n’y aura aucun coût supplémentaire pour les justiciables qui recourront à la médiation ou à l’arbitrage aux petites créances.

Des pas dans la bonne direction

Ces changements vont-ils favoriser un meilleur accès à la justice? « Il s’agit de petits pas dans la bonne direction qui s’ajoutent à ceux déjà faits auparavant », selon Me Jean H. Gagnon.

Bien entendu, plus il y aura de recours à la médiation et à l’arbitrage, moins il y aura de causes qui se rendront à procès, ce qui contribuera à désengorger le système. Selon les statistiques, en effet, la médiation règle entre deux tiers et 80 % des cas. La façon dont la magistrature interprétera les nouveaux articles et le règlement à venir pourra aussi avoir un effet, car les juges sont évidemment en position d’exercer une certaine pression sur les citoyens ainsi que sur les avocats qui les représentent. »

Quel sera l’impact pour les avocats? « C’est un outil de plus lorsque l’avocat rencontre son client. En droit commercial par exemple, les coûts de préparation à la médiation, ceux du médiateur, et la crainte que la médiation n’aboutisse pas à un règlement, qui sont autant de facteurs qui peuvent faire hésiter, seront amoindris parce que la cause sera instruite en priorité si elle a fait l’objet d’une médiation ou d’un protocole préjudiciaire », répond Me Gagnon.

Selon les derniers chiffres, il y a au Québec quelque 1 400 médiateurs civils accrédités par le Barreau du Québec. Pour le moment, la demande demeure bien inférieure à cette offre de service, rappelle Me Gagnon, qui ajoute qu’une centaine de médiateurs suffiraient à la tâche en matière commerciale. Le chaînon manquant selon lui se trouve dans le manque d’avocats mieux formés pour accompagner leur client dans un processus de médiation. « Une formation pour les amener à mieux comprendre le processus et leur rôle, la façon d’accompagner leur client, de le préparer à la médiation, de choisir le médiateur, les différentes approches que l’on peut utiliser et les meilleures stratégies. Sans être inexistante, la formation en ce sens est encore insuffisante », déplore-t-il, expliquant que sensibiliser un avocat à son rôle et à la façon de bien le remplir demeure actuellement l’un des défis de tout médiateur. « Certains ont tendance à se préparer à la médiation comme ils le feraient pour un arbitrage ou un procès, alors que le processus de médiation est complètement différent. »

Parmi les autres changements, le projet de loi 8 attribuera à la Cour du Québec une compétence exclusive pour entendre les demandes dans lesquelles la somme réclamée ou la valeur de l’objet en litige est inférieure à 75 000 $ et attribuera à cette cour une compétence concurrente avec celle de la Cour supérieure pour les litiges entre 75 000 $ et 100 000 $. La nouvelle loi prévoit également interdire les interrogatoires préalables pour les affaires de moins de 50 000 $ et de limiter les expertises.

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