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Articles lundi 7 novembre 2022

Entretien avec Me Danielle Chalifoux, Ad. E.

Les personnes âgées ont besoin d’accompagnement et de représentation

Par Johanne Landry

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Les personnes âgées ne forment pas un groupe homogène et leurs besoins, variés et multiples, rejoignent certains enjeux de société. Les avocats peuvent faire beaucoup pour aider les aînés à vieillir dans la dignité.

Me Danielle Chalifoux, Ad. E., présidente de l’Institut de planification des soins du Québec et pratiquant auprès des personnes âgées depuis plusieurs années, précise d’entrée de jeu qu’elle préfère nommer sa pratique « droit du vieillissement », car la notion de personne âgée est variable et plutôt subjective.

« Nous sommes peu nombreux à exercer auprès de cette clientèle, déplore-t-elle, alors que les besoins sont immenses. Le droit du vieillissement demande de la maturité et beaucoup de connaissances dans différents domaines. Qu’il s’agisse du droit du travail, pour les questions de retraite ou de maintien au travail après 65 ans, ou de droit du logement, les personnes vulnérables étant plus facilement expulsables par des propriétaires peu respectueux, ou encore de droit de la santé et du respect des droits des usagers issus de la Loi sur les services de santé et services sociaux et la responsabilité civile, les domaines d’exercice sont nombreux! La liste est longue et il faut encore mentionner le droit concernant les mesures de protection pour les personnes en perte d’autonomie cognitive, le droit successoral et même le droit familial quand les droits de visite des grands-parents sont en cause, pour ne nommer que ceux-là. Il faut également être solide psychologiquement, car il n’est pas facile de voir des situations d’abus parfois dramatiques ou de rencontrer des personnes extrêmement diminuées ou en fin de vie. Pour les avocats qui veulent s’orienter vers cette pratique, il y a énormément à faire », insistera Me Chalifoux tout au long de l’entrevue.

Différents profils

Les personnes âgées ne vieillissent pas toutes de la même manière. Certains nonagénaires sont autonomes, capables de prendre des décisions et de faire des choix, alors que des sexagénaires peuvent être très vulnérables. « La nature n’a pas un schéma précis et applicable à tout le monde. Il y a des chanceux, d’autres qui le sont moins, et il faut adapter le droit et la représentation à ces différentes situations », explique Danielle Chalifoux qui rappelle que le processus de vulnérabilité s’installe progressivement, et qu’entre la pleine autonomie et l’inaptitude, il y a une large zone grise. « Les gens s’adaptent moins bien à de nouvelles situations, ils s’inquiètent davantage, deviennent plus vulnérables quant aux décisions relatives à leur santé et plus ils avancent en âge, plus il y a des choix à faire à cet égard. Des problèmes familiaux peuvent aussi survenir, et même des conflits. Il y a des personnes âgées qui divorcent. Autant de situations, autant de besoins différents. »

En résumé, Me Chalifoux parle de trois profils : la personne pleinement capable, celle qui est en transit entre deux états, et celle qui est devenue incapable de prendre des décisions et pour laquelle il y a des mesures de protection. À cet égard, il est important de mentionner l’entrée en vigueur, le 1er novembre 2022, de la Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes qui prévoit, entre autres, la nomination d’assistants qui pourront agir comme intermédiaires à l’égard de personnes vivant une difficulté, afin de les aider dans certaines situations.

« Quand on dit mesures de protection et qu’on s’en remet à la famille, j’émets quelques doutes. Malheureusement, il y a des abus de toutes sortes au sein même de certaines familles. Ce qui se passe dans la zone intime de la vie privée n’est pas connu et s’il y a des indices, l’entourage a souvent beaucoup de réticence à s’en mêler. Si les abus envers les enfants font l’objet de nombreuses dénonciations, c’est différent pour celles concernant les aînés », constate Me Chalifoux. Elle ajoute qu’autrefois, les gens n’avaient généralement plus de patrimoine lorsqu’ils arrivaient à la période de la vieillesse. Avec les baby-boomers, les choses sont en train de changer. Les représentants de cette génération ont des régimes de retraite, des FEER, des patrimoines et peuvent se retrouver à la merci de personnes intéressées par leurs biens dans le mauvais sens du terme. Les petits-enfants abusifs font partie d’un phénomène nouveau dont on a pu constater, dans certains cas, les conséquences dramatiques.

Connaître ses droits

Des enjeux sociétaux

Me Danielle Chalifoux termine en formulant une demande, soit celle de mettre sur pied, au Barreau du Québec, un comité ou une section du droit du vieillissement comme c’est le cas à l’Association du Barreau canadien, Division du Québec ainsi qu’à la section nationale ou au Barreau de l’Ontario, où il existe un Comité consultatif d’experts pour les personnes âgées. « C’est un vœu que je fais, bien humblement. »

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